Marie-Cécile Aptel
Peintre
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Metaxu : Dans quel champ artistique évoluez-vous ?
MCA : En peinture. C'est difficile à décrire comme cela de but en blanc... C'est de la peinture tout ce qu'il y a de plus classique... Enfin, classique, non, mais bon, peinture abstraite grand format.
Metaxu : Et pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre processus créatif ?
MCA : C'est une question difficile... Je dirais que j'ai de moins envie d'anecdote, je viens du figuratif. Enfant, comme
ceux qui aiment bien ça, je dessinais de façon figurative, je recopiais, j'essayais de reproduire ce que je voyais. Mais, c'est un processus assez long. Je n'ai pas toujours été abstraite. Il y a des gens qui sont abstraits depuis le début, moi pas toujours. Mais j'ai toujours eu le besoin d'"abstractifier", de ne pas être premier degré dans la représentation. C'est une question de goût, d'affinités. Cela s'est fait lentement, assez progressivement l'arrivée de l'abstraction. Et je dis souvent que je suis une fausse abstraite justement parce que j'ai toujours un point de départ,, ou dans la tête, ou qui part de la réalité, soit de choses personnelles, intimes,... C'est pour cela que je dis que je ne suis pas une
abstraite pure. Il faut un point de départ, c'est tout. Et un point de départ personnel. Ou cela peut aussi être la toile précédente qui donne envie d'en faire une autre. Cela peut être le choix de couleur,... C'est très varié, mais le point
de départ est concret, il est toujours concret, ne serait-ce que parce la peinture, c'est tout de même concret, physique. Je préfère déjà tracer deux, trois choses sur la toile et cela pose déjà des problèmes intéressants. Sinon, rêver assise devant la toile pendant des heures - bon, on peut, pourquoi pas - mais cela ne m'intéresse pas.
Metaxu : Quelle a été votre formation artistique ?
MCA : Je n'ai pas fait d'école d'art, je suis autodidacte. Par contre, j'ai fréquenté des artistes à un moment, j'ai pris des cours privés également, pour me rendre compte qu'en fait, l'enjeu n'était pas tellement la technique. Si je le voulais, je l'avais, mais cela m'a ouverte sur le monde de l'art contemporain. C'est surtout cela, la fréquentation des artistes. Ensuite, aller dans les musées, dans les galeries à Paris. Je ne vis pas très loin donc nous y allions souvent. Découvrir comme ça tout le milieu de l'art contemporain a été très important. Et puis, comme c'est quelque chose qui me plaisait par-dessus tout, un jour, fin des années 80, j'ai décidé de ne plus faire que ça. J'ai essayé de voir comment je pouvais me débrouiller et j'ai sauté le pas. Cela veut dire que financièrement, je jonglais un peu et puis, il a fallu se débrouiller avec des revenus assez incertains, mais, voilà, sans aucun regret. J'ai eu la chance de faire plusieurs salons, comme le Salon de Montrouge, des choses comme ça. C'était plus facile, je pense, dans les
années 90. Les collectionneurs sont venus, nous nous partagions les contacts également entre ami.e.s peintres. Au début, ce sont plutôt des galeries qui sont venues me chercher. Cela me semblait plus simple. Enfin, dans mon cas c'est mieux parce que le peu de fois où j'ai essayé de faire des dossiers, ce fut vraiment compliqué. Au final, j'ai quand même eu pas mal de chance. Grâce a des ami.e.s et connaissances, j'ai pu intégrer quelques galeries.
Metaxu : Pensez-vous que le fait d'être une artiste femme ait un impact quelconque sur votre carrière ?
MCA : J'ai été contactée par des galeries, donc a priori, cela n'avait pas l'air de jouer. Mais, j'ai tout de même eu - alors là, je m'abstiendrai de donner des noms, mais j'ai eu, oui, à un moment, une personne - un collectionneur - qui qui était réticent. Et cela a été clairement dit : il était plus frileux, plus réservé envers les artistes femmes. Mais, il a très très bien évolué et a changé. Donc, je m'étais rendue compte que cela pouvait jouer. A contrario, j'ai aussi eu la chance de d'avoir pas mal de galeristes femmes, donc c'est peut-être ce qui a fait que je l'ai pas ressenti. Mais il est bien certain que cela peut être un handicap. Et peut-être des galeries ne m'ont-elles pas contactée à cause de cela. Mais, de manière générale, je dirais que j'ai eu de la chance de pouvoir travailler avec pas mal de galeriste
femmes.
Metaxu : Et, précisément, il y a-t-il eu des rencontres-clé ayant marqué votre parcours ?
MCA : Oui, bien sûr. Les amis peintres (dont un en particulier), et puis je dirais que toutes les galeries (peu importe que le ou la galeriste soit un homme ou une femme) car c'est très important dans une vie de peintre : montrer son travail, le voir à l'extérieur, cela m'a a toujours fait énormément évoluer. Parce que tant que c'est dans l'atelier, on peut se raconter des choses, on peut trouver que c'est très très beau,... Le voir à l'extérieur, ça, c'est une sanction. Je ne veux pas avoir l'air de dire que c'est une punition, mais on ne peut plus tellement se raconter d'histoires. C'est bon ou c'est pas bon mais voilà, on le voit vraiment avec des yeux nouveaux. Enfin, moi, cela m'a toujours fait toujours fait changer. Il y a toujours beaucoup de toiles qui sont revenues et qui ont été détruites ou retravaillées après, parce que justement l'idée que je m'en faisais n'était pas celle que je découvrais sur les murs à l'extérieur. C'est pour cela que c'est important de montrer son travail, de montrer sa peinture, parce que vraiment, on la voit différemment à l'extérieur, un peu comme si c'était la peinture de quelqu'un. Cela me fait penser qu'il n'y a pas que les galeries qui jouent, j'ai également eu des expositions à Bourges notamment, et à l'étranger qui ont été initiées par des gens qui ne sont pas galeristes mais qui m'ont permis aussi de de montrer de façon à la fois agréable et intéressante mon travail.
Metaxu : Quels conseils donneriez-vous à une débutante ?
MCA : D'y aller, de toute façon. Ensuit, c'est compliqué pour moi, n'ayant pas tellement été au contact des
jeunes, mais je dirais avant tout d'essayer de suivre son propre parcours, et de ne pas chercher à à coller au marché. Mais, en même temps, il faut vivre... bon voilà. En tout cas, surtout de ne pas les décourager. Au contraire, d'encourager et d'essayer de faire en sorte qu'ils trouvent leur propre voix, parce que c'est quand même très agréable d'arriver à faire ce qu'on à envie de faire. J'ai vraiment l'intuition que c'est à contrecourant, que c'est quelque chose de très long, et qui demande d'en passer par des phases difficile. C'est quelque chose qui
qui prend beaucoup de temps, mais qui est ponctué de plein de plaisir. On rate mais bon, il y a aussi des réussites, et heureusement ! Mais, voilà, accepter ce qu'on découvre, car, en fin de compte, on a beau prendre des tas
de chemins différents, il y a des choses immuables [en nous]. C'est plus de l'ordre de la constatation que d'un acte volontaire. On constate certaines choses et l'on fait avec.
Metaxu : Quelle est votre actualité pour les mois à venir ?
MCA : En ce moment, j'ai une expo de groupe, avec deux autres artistes femmes, à La Tannerie à Bégard, durant tout le mois d'août jusqu'en septembre. Puis, une exposition personnelle à Monaco à la
galerie Maria Behnam-Bakhtiar. Et je n'ai vu aucune de ces deux expositions ! Soit à cause du [corona-]virus, soit pour des raisons personnelles. Ensuite, je l'espère, une exposition personnelle au musée de Louviers soit cet hiver ou début de l'année prochaine.